La grande route de Pierre-Ecrite.  (par Jean-Pierre Cortet)

Après la conquête de la Gaule, les Romains couvrent de grandes routes le pays conquis pour faciliter le commerce et le déplacement des troupes.

Une des plus importantes, en Gaule, est la « Via Agrippa ». Elle reliait Lyon à Boulogne-sur-mer en passant sur le flanc Est du Morvan, par Autun et Saulieu, dès avant le début de notre ère.

 

Durant tout le Moyen-âge, elle subit bien des dégradations et on continue de l’utiliser, ainsi que ses dérivations, au gré des guerres et des invasions.

 

A la Renaissance, le service de la poste, à cheval, est mis en place sous Louis XI, en 1479. Il nécessite la création de relais distants d’environ sept lieues (d’où la légende des bottes !) pour fournir des montures fraîches et assurer l’acheminement du courrier dans les meilleures conditions.

 

Au XVIII° siècle, à partir de 1740, sur l’itinéraire Paris-Lyon, une route royale est construite entre Saulieu et Autun, par Pierre-Ecrite, point culminant de tout le trajet (598m). Mais, sur ce même itinéraire, existe une autre route concurrente qui relie Saulieu à Lyon par Arnay-le-Duc.  

 

Sur ces grandes routes, circulent, entre autres, les fameuses diligences et les malles-postes apparues en 1793-94.

 

Le premier relais de poste est ouvert à Saulieu en 1775 et communique notamment avec Chissey en direction d’Autun. Le premier maître de poste est Andoche Berger qui tient un gros relais de 16 chevaux dans la rue St Saturnin (actuelle rue Danton). En 1780 s’ouvre le relais de Pierre-Ecrite tenu par Pierre Beaujard, à qui succède son fils Jean-Hilaire, qui exploite jusqu’en 1851, époque où l’on préfère la route d’Arnay, plus facile. C’est alors que le relais de Saulieu se déplace rue Grillot, à l’emplacement de l’actuel Hôtel de la Poste.

 

Pendant 70 ans, donc, il règne à Pierre-Ecrite une extraordinaire animation et les hôtes les plus illustres s’y arrêtent : Alexandre Dumas, Stendhal, Mérimée, Ingres, Victor Hugo, Charles Nodier…

 

Au printemps 1803, Châteaubriand se rendant à Rome où il est nommé secrétaire d’ambassade avoue qu’à partir de Pierre-Ecrite il est enchanté par le paysage : « La rapidité de mon voyage m’a bien empêché de jouir de magnifiques campagnes que j’ai parcourues depuis cinq ou six lieues avant Autun […] je doute que l’Italie nous offre rien de plus beau. »

 

Bien sûr, c’est l’arrêt de Napoléon à son retour de l’île d’Elbe qui reste dans toutes les mémoires. Voici ce qu’en dit, dans une chronique de 1957, André Billy de l’Académie Goncourt : « A Pierre-Ecrite, le 16 mars 1815, à une heure de l’après-midi, il descendit de berline pour se dégourdir les jambes, entra chez le maître de poste[ …] et s’assit dans un fauteuil de noyer, devant une table-bureau et un baromètre qu’il consulta. La pluie tombait. Craignant de faire sa rentrée à Paris sous l’averse, il demanda si l’on croyait à la persistance du mauvais temps. Le maître de poste, qui était partisan de Louis XVIII, se garda de le rassurer … » et A.Billy de poursuivre : «  Je me suis assis dans le fauteuil de Napoléon […] fauteuil, bureau et baromètre n’ont pas changé de place depuis cent quarante-deux ans […] Un registre […] donne une idée exacte de ce qu’était le transport des voyageurs sous Louis Philippe. La première place revient à la malle.  Puis ce sont des calèches,des berlines, des limonaires, des cabriolets, des chaises , des chars à bancs, des courriers à franc-étrier, des estafettes … »

Précisons qu’une diligence de première classe, en 1830, pèse 5 tonnes, transporte 21 voyageurs, est tirée par 5 chevaux qu’il est interdit de faire galoper, et de ce fait atteint rarement 10 km à l’heure au grand trot. Par contre, les malles-postes ayant le privilège du galop, dépassent 13 km à l’heure en 1839 et sont plébiscitées par les gens pressés et fortunés. En effet, en 1840, le trajet Paris-Lyon coûte 60 fr par personne en diligence et 82 fr en malle-poste (le salaire moyen d’un ouvrier nivernais n’atteint pas 2 fr par jour !). Quant au confort, laissons la parole à V. Hugo : « Je suis encore tout étourdi de trois nuits de malle-poste, sans compter les jours. Trois nuits à grands coups de fouet, à franc-étrier, sans boire ni manger, ni respirer à peine… »

En 1872 la ligne de poste de Paris à Lyon est supprimée et même le relais de Saulieu est fermé. La traction animale est définitivement supplantée par le transport ferroviaire pour les liaisons rapides.

(Sources : Dans l’ombre du Morvan (L. Charrault) -1933

           Bulletin n°12 de l’Association des amis du vieux Saulieu-1999

             « Ce que disent les routes », chronique d’A.Billy – 1957 )